13-07-2024

La Cour du travail de Bruxelles a récemment eu à connaître d’une affaire dans laquelle un représentant syndical, qui avait perçu une indemnité de protection en raison de son licenciement sans respecter les hypothèses de rupture autorisées par la loi du 19 mars 1991 (le licenciement pour motif grave ou pour motif d’ordre économique ou technique), réclamait, en plus, une indemnité de 6 mois pour discrimination fondée sur les convictions syndicales.

Les faits

Un travailleur, employé depuis 1990, était représentant des travailleurs et délégué syndical depuis 1996.

En 2018, l’employeur décida de le licencier, sans respecter les procédures spécifiques prévues par la loi du 19 mars 1991.

Le travailleur avait, dès lors, perçu une indemnité de protection équivalente à … 66 mois de rémunération, c’est-à-dire 5 ans et demi de salaire.

Le travailleur et son syndicat ont invoqué que le licenciement constituait une discrimination fondée sur les convictions syndicales et ont réclamé, en plus de ces 5 ans et demi d’indemnité de protection, une indemnité pour discrimination égale à 6 mois de rémunération.

Décision de la Cour du travail

La Cour du travail considère, tout d’abord, que le licenciement du travailleur constitue effectivement une discrimination directe basée sur ses activités syndicales.

La Cour estime que le travailleur présente des preuves suffisantes pour établir une présomption de discrimination. La charge de la preuve reposant, dès lors, sur l’employeur, la Cour estime que ce dernier ne démontre pas le licenciement était fondé sur des motifs légitimes et non discriminatoires.

La Cour examine ensuite si les deux indemnités, de protection (5 ans et demi) et pour discrimination (6 mois) sont cumulables. La Cour renvoie à la jurisprudence de la Cour de cassation considérant que deux indemnités sont cumulables si elles visent des finalités différentes. Dans le présent cas de figure, la Cour du travail considère que les finalités sont différentes : l’indemnité de protection sanctionne le non-respect des procédures de licenciement prévues par la loi du 19 mars 1991, tandis que l’indemnité pour discrimination vise à sanctionner une discrimination fondée sur les convictions syndicales.

Elle estime donc que les deux indemnité sont cumulables (66 mois + 6 mois). 

Qu’en retenir ?

Cet arrêt doit inciter les employeurs à la plus grand prudence, lorsqu’il s’agit de licencier des candidats aux élections sociales ou des représentants du personnel. En effet, outre les indemnités de protection (de deux à huit ans de salaire), les travailleurs peuvent également obtenir une indemnité supplémentaire de six mois pour discrimination basée sur les convictions syndicales.

Il n’est pas impossible que cet arrêt relance, par ailleurs, le début actuellement fort nourri du cumul entre indemnités de protection (congé parental, maternité, crédit-temps, …) ou pour licenciement manifestement déraisonnable, d’une part, et indemnité pour discrimination, d’autre part.

Petit rappel pour les employeurs ayant une délégation syndicale mais pas de CPPT : le délégué syndical bénéficie, dans ce cas, de la même protection qu’un candidat aux élections sociales. Il ne peut donc être licencié que suivant les procédures et dans les cas prévus par la loi du 19 mars 1991. 

Le présent arrêt confirme qu’une erreur ou une décision intransigeante à ce sujet peut … coûter cher (6 ans de salaire ?)… 

 

Réf. : Cour du travail de Bruxelles, 6 mai 2024, n° 2022/AB/702, à paraître dans le JTT, 2024.

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