28-01-2025

Dans un arrêt rendu le 10 juin 2024 (JTT, 2024, p. 269), la Cour de cassation a abordé la question de la qualification, en tant que rémunération, d’un avantage consistant en un « complément aux allocations familiales légales ». S’il s’agit de rémunération, l’employeur est redevable de cotisations de sécurité sociale sur ce complément.

 

Les faits

 

L’entreprise concernée avait mis en place un « plan cafétéria » pour ses employés. Ce « plan cafétéria » avait permis à 6 d’entre eux de bénéficier d’un complément aux allocations familiales légales.

Le 2 juin 2014, l’ONSS a notifié à cette entreprise une régularisation de cotisations sociales au motif que les montants versés au titre de complément aux allocations familiales légales constituaient une rémunération et devaient donc être inclus dans la base de calcul des cotisations sociales.

Cette affaire a ensuite donné lieu à une véritable saga judiciaire, puisque l’ONSS a obtenu gain de cause devant le tribunal du travail de Liège, avant que la Cour du travail de Liège ne donne raison à l’entreprise (estimant qu’il ne s’agissait pas de rémunération). L’affaire n’en est pas restée là, puisque, sur pourvoi de l’ONSS, la Cour de cassation a cassé ce (premier) arrêt, et a renvoyé l'affaire devant la Cour du travail de Bruxelles.

Par un arrêt du 1er  avril 2021, la Cour du travail de Bruxelles a estimé que ces cotisations  ne constituaient pas de la rémunération.

Un pourvoi en cassation a été introduit par l’ONSS contre cet arrêt.

 

Décision de la Cour de cassation

 

Dans son arrêt du 10 juin 2024, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour du travail de Bruxelles, estimant que cette dernière a inadéquatement motivé sa décision. La Cour de cassation estime en effet que la justification apportée par la Cour du travail de Bruxelles est insuffisante pour considérer que ces allocations familiales extra-légales ne sont pas de la rémunération.

Concrètement, la Cour du travail avait justifié sa décision par trois éléments : (1) ces allocations avaient augmenté le salaire net des travailleurs, (2) les travailleurs qui en ont bénéficié ont des charges familiales et (3) le montant de ces allocations « n’est pas excessif ». 

 

Pour la Cour de cassation, ces seules considérations ne suffisent pas à justifier la décision. Elle considère, en effet, que le seul critère à prendre en considération pour estimer qu’un complément aux avantages accordés pour les diverses branches de la sécurité sociale n’est pas de la rémunération est le suivant : « l’indemnité doit avoir pour objet de compenser la perte des revenus du travail ou l’accroissement des dépenses provoqués par la réalisation d’un des risques couverts par les diverses branches de la sécurité sociale ». Il s’agit donc de l’unique critère : « seul cet objet de protéger contre un de ces risques sociaux, en complément de la protection apportée par la sécurité sociale, justifie de dispenser l’indemnité des cotisations contribuant au financement de la sécurité sociale. »

 

Qu’en retenir ?  

Par son arrêt du 10 juin 2024, la Cour de cassation précise quel est le seul critère permettant d’apprécier si un indemnité doit être considérée comme un complément aux avantages accordés pour les diverses branches de la sécurité sociale : l’objet de cette indemnité doit être de compenser la perte des revenus du travail ou l’accroissement des dépenses provoqués par la réalisation d’un des risques couverts par les diverses branches de la sécurité sociale.

Cela étant dit, il reviendra aux juridictions de fond de déterminer, au cas par cas, si une intervention de l’employeur a bien cet objet. La tâche ne sera pas facile pour les juges, vu que ce critère d’appréciation reste particulièrement subjectif.

Un conseil aux employeurs désireux de mettre un tel mécanisme en place : il semble impératif de mentionner explicitement que l’objet de l’indemnité est de compenser la perte des revenus du travail ou l’accroissement des dépenses provoqués par la réalisation d’un des risques couverts par les diverses branches de la sécurité sociale. Pour un complément extra-légal aux allocations familiales, il conviendra donc – aux risques et périls de l’employeur – de le justifier par la couverture de l’accroissement des dépenses provoqué par la réalisation d’un des risques  couverts par les diverses branches de la sécurité sociale, à savoir le « risque » d’avoir … des enfants !

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