05-03-2025
Les faits
Monsieur Y travaille pour compte de la société X en qualité d’ouvrier dans les liens d’un contrat de travail à durée indéterminée.
Au cours de la relation de travail, il fait l’objet de plusieurs avertissements, son employeur lui reprochant de s’adresser de manière irrespectueuse à ses collègues et de refuser d’effectuer certaines tâches en lien avec sa fonction. Le 31 décembre 2022, Monsieur Y ne se présente pas sur son lieu de travail à l’heure prévue. L’employeur, qui exploite un restaurant, décide de le licencier pour motif grave dès lors que son absence un soir du réveillon entraîne une importante désorganisation pour tous ses collègues qui sont contraints de supporter une charge de travail supplémentaire.
Le contrat est rompu par courrier du 1er janvier 2023 envoyé par recommandé électronique.
La décision du Tribunal
Devant le Tribunal du Travail de Liège, division Marche-en-Famenne, Monsieur Y conteste la validité de son licenciement.
Il se prévaut de l’article 35 de la loi du 03 juillet 1978 relative au contrat de travail qui prévoit que : « à peine de nullité, la notification du motif grave se fait soit par lettre recommandée par la poste, soit par exploit d’un huissier de justice. Cette notification peut également être faite par la remise d’un écrit à l’autre partie ».
Monsieur Y soutient que l’envoi par recommandé électronique n’est pas prévu par l’article 35 de la loi du 03 juillet 1978.
Le Tribunal du Travail se réfère au règlement n°910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur ainsi qu’à la loi du 21 juillet 2016 mettant en œuvre et complétant ce règlement par comparaison avec la définition du recommandé postal prévu à l’article 27 de la loi du 26 janvier 2018 relative aux services postaux.
Le Tribunal du Travail rappelle que seule la signature électronique qualifiée est assimilée à une signature manuscrite et bénéficie des mêmes effets juridiques.
Il rappelle également que l’article XII.25, § 1 du Code du Droit Économique prévoit qu’une personne ne peut être contrainte de recevoir un acte juridique par voie électronique. Cela signifie que le destinataire d’un recommandé électronique peut explicitement ou implicitement refuser de recevoir ce courrier électronique.
Analysant le cas d’espèce, le tribunal relève que l’employeur ne produit pas et n’invoque pas non plus l’existence d’un accord préalable de Monsieur Y par lequel celui-ci aurait accepté de recourir à l’envoi d’un recommandé électronique en cas de licenciement pour motif grave.
En conséquence, le Tribunal du Travail conclut au caractère irrégulier du licenciement pour motif grave de Monsieur Y et condamne l’employeur à lui payer une indemnité compensatoire de préavis.
Qu’en penser ?
Pour qu’un envoi recommandé électronique qualifié puisse avoir les mêmes effets juridiques qu’un recommandé postal ordinaire, il convient que le destinataire ait explicitement ou implicitement accepté de recevoir un tel courrier.
La notification d’un licenciement pour motif grave adressée par un courrier recommandé électronique en l’absence de toute acceptation explicite ou implicite du travailleur est irrégulière.
Réf. : T.T. Liège, div. Marche-en-Famenne, 23 mai 2024, RG n°23/90/A