22-11-2016
Le fait, pour un conseiller en prévention, de ne pas traiter de manière professionnelle une plainte pour harcèlement moral peut engager la responsabilité de l’employeur à l’égard du travailleur plaignant.
La gestion des risques psychosociaux au travail – qui englobent désormais la notion de «harcèlement moral» - oblige l’employeur à prendre en compte ce phénomène dans la politique de prévention de l’entreprise, au même titre que les autres risques pouvant porter atteinte à la santé et à la sécurité des travailleurs.
Dans ce cadre, le rôle du Conseiller en prévention en charge des risques psychosociaux est essentiel. A défaut, pour celui-ci, de remplir son rôle de façon adéquate, il est susceptible d’engager la responsabilité de son employeur à l’égard du travailleur qui se prétend harcelé.
C’est la solution qui est retenue par la Cour du Travail de Mons dans un arrêt du 28 octobre 2016.
Un employé preste au service d’une Commune.
En 2009, il fait l’objet d’une évaluation «?réservée?» de la part de son supérieur hiérarchique, à l’encontre de laquelle il introduit un recours. Dans le cadre de ce recours, il fait valoir qu’il a eu un conflit d’ordre privé avec un ancien directeur, que ce conflit l’a « détruit psychologiquement » et qu’il s’est plaint d’avoir été écarté de promotions qu’ils estimait mériter ainsi que de ne plus avoir de travail intéressant à faire.
Il se trouve ensuite en incapacité de travail et dénonce les faits dont il se plaint au conseiller en prévention.
Sa plainte ne sera toutefois suivie d’aucun effet. En outre, son évaluation sera maintenue. Sur recours, toutefois, le Conseil d’Etat annulera cette évaluation pour défaut de motivation.
Courant 2011, l’employé réinterpelle son employeur afin de connaître le sort qui avait été réservé à la plainte qu’il avait déposée pour harcèlement. Il se verra répondre que celle-ci n’a pas été prise en compte par le conseiller en prévention car ce dernier l’estimait insuffisamment motivée et qu’ensuite, l’intéressé s’était trouvé sans discontinuer en incapacité de travail.
L’employé décide alors de saisir les juridictions du travail et met en cause la responsabilité de son employeur en invoquant l’article 1384 Code Civil qui dispose notamment que l’employeur est responsable «?du dommage causé par ses préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés. »
Par son arrêt prévisé, la Cour du Travail de Mons fait droit, sur le principe, à la demande de l’employé.
Elle relève que le conseiller en prévention psychosociale de la Commune était un préposé de celle-ci. Elle constate qu’une faute a bien été commise par celui-ci puisqu’il a d’initiative considéré que la plainte déposée par l’employé n’était pas une plainte formelle au sens de la loi, sans solliciter d’éventuelles précisions complémentaires et alors qu’elle avait été introduite auprès de la personne compétente, sur un formulaire établi par Commune elle-même. Elle en déduit qu’il appartenait au conseiller en prévention de traiter celle-ci en ouvrant un dossier individuel, en entendant les parties concernées et en proposant des mesures de soutien psychologique à l’employé ou des mesures à l’adresse de l’employeur en vue de faire cesser le harcèlement.
La Cour du Travail ordonne ensuite la réouverture des débats pour fixer le montant du dommage subi par l’employé.
Qu’en penser? Le fait, pour un conseiller en prévention, de ne pas traiter avec la diligence requise et de manière professionnelle une plainte pour harcèlement moral est de nature à engager la responsabilité de l’employeur à l’égard du travailleur plaignant.
Réf.: Cour du Travail de Mons, 28 octobre 2016, RG n° 2015/AM/138