03-01-2019

Un travailleur X. est occupé au sein d’une A.S.B.L. prenant en charge des personnes adultes atteintes d’un handicap.

Monsieur X. a déjà eu à plusieurs reprises un comportement désagréable et a contesté à plusieurs reprises publiquement la direction de l’établissement, ce qui lui a valu un avertissement.

Monsieur X. rejoint la délégation syndicale en tant que délégué syndical suppléant.

La direction débute des négociations avec la délégation syndicale à la suite de sa décision de réorganiser le travail, ce qui implique des licenciements. Les négociations s’avèrent difficiles et des actions sont menées par les salariés.

Au cours de l’année 2017, Monsieur C. publie sur son profil Facebook des représentations caricaturales du directeur de l’A.S.B.L. faisant référence au camp d’Auschwitz. A la suite d’une réunion, Monsieur X. va asperger d’eau la chemise du directeur. Le même jour, la voiture du directeur est endommagée. Un « ami » de Monsieur X. commente les faits sur facebook et Monsieur X. y répond par un smiley faisant un sourire.

Les administrateurs sont avertis le même jour des faits et, par lettre recommandée du 12 octobre 2017, font savoir leur intention de licencier pour motif grave Monsieur X. L’A.S.B.L. suit la procédure de la loi du 19 mars 1991 et saisit le Tribunal du travail.

A la suite du jugement du Tribunal, un appel est formé par Monsieur X. devant la Cour du travail de Mons.

Sur la question du motif grave, la Cour considère que celui-ci est relatif à des faits précis : le pare-brise pulvérisé, le jet d’eau et les publications facebook. La Cour relève qu’il ne peut être établi avec certitude que Monsieur X. est responsable de la destruction du pare-brise mais, par contre, il est certain qu’un incident a eu lieu entre les deux hommes et qu’il a impliqué la voiture du directeur. La Cour va retenir l’incident comme constitutif d’un motif grave, de même pour le jet du verre d’eau.

Pour ce qui concerne les publications Facebook, la Cour constate que Monsieur X. s’est effectivement laisser aller à des déclarations et caricatures particulièrement outrageantes pour le directeur, démontrant un manque total de respect pour sa personne.

Certes, l’article 10 de la CEDH garantit le droit à la liberté d’expression mais celui-ci n’est pas absolu. Un devoir de réserve ou de loyauté ne peut être exigé d’un travailleur mais l’appréciation émise ne peut se faire sans égards pour la personne concernée. Le droit à la critique est garanti aux travailleurs mais cela n’autorise ni l’injure, ni l’insulte, ni la caricature méchante. La liberté d’expression doit s’exercer vis-à-vis de l’employeur en conjonction avec l’obligation de déférence et de respect, l’expression devant être « raisonnable et pondérée ».

Le droit de critique exercé de tel sorte qu’il devient excessif, offensant ou calomnieux est fautif.

Les publications Facebook ont-elles un caractère public ? La Cour considère que c’est le cas lorsque la page Facebook est « publique » mais également lorsque l’information est accessible à un nombre importants d’ « amis ».

Le travailleur prétendait que la publicité de ses publications était faible mais la Cour relève que Monsieur X. s’est adressé directement à des collègues et qu’elles ont été largement diffusées et distribuées durant la grève. Les faits fautifs à l’origine du motif grave sont donc appuyés par cette circonstance aggravante de diffusion de caricatures insultantes.

 

Qu’en retenir ?

 

La Cour du travail de Mons rappelle que la liberté d’expression ne peut être absolue dans le cadre des relations de travail.

Elle souligne, toutefois, que le travailleur n’est pas tenu par un devoir de loyauté ou de réserve, et qu’il conserve un droit à la critique de son employeur.

Cependant, ce droit à la critique ne peut autoriser un travailleur à tenir des propos dénigrants, injurieux, outrageants ou diffamatoires à l’égard de son employeur, et ce publiquement. Des publications sur un profil Facebook doivent être considérées comme publiques, dès lors qu’elles ont notamment été adressées à des collègues du travailleur et qu’elles ont bénéficié d’une diffusion relativement large. Ce faisant, de telles publications sont susceptibles de participer de la commission d’un motif grave justifiant la rupture immédiate du contrat de travail.

 

Réf.: C.T. Mons, 27 avril 2018, R.G. n° 2017/AM/367.

 

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