18-01-2023
La Cour du travail de Mons a rendu, ce 18 janvier 2022, un arrêt particulièrement intéressant et riche d’enseignements concernant deux problématiques. La première concerne la détermination de l’autorité compétente en cas de licenciement pour motif grave d’un agent contractuel au sein d’une administration communale. La seconde concerne quant à elle la (non) application de la Convention collective n°109 dans le secteur public.
Une puéricultrice travaillant dans une crèche communale, engagée sous contrat de travail à durée indéterminée, aurait infligé une morsure à un enfant de 23 mois. La travailleuse fut auditionnée par le Collège communal. À la suite de quoi, ce même organe a pris la décision de la licencier pour motif grave. L’incompétence de l’auteur de l’acte ainsi que le caractère manifestement déraisonnable du licenciement ont été soulevés par la travailleuse.
1) La compétence de l’auteur du congé
L’arrêt du 18 janvier 2022 rappelle très justement que tant l’engagement que le licenciement des agents relève de la compétence du Conseil communal. Toutefois, une délégation de pouvoir au Collège est envisageable sur la base de l’article L 1213-1 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation. Il en résulte que la décision de licencier un agent contractuel pour motif grave doit être décidée par la personne compétente ou par une personne à qui un mandat spécial ou exprès a été confié. En effet, l’arrêt souligne cette décision ne s’apparente nullement à un acte de gestion journalière, le licenciement pour motif grave étant « un acte unilatéral qui affecte de manière considérable la situation financière d’un travailleur en le privant avec effet immédiat de tout revenu (…) ».
In casu, le Conseil avait procédé à une délégation au Collège via des termes trop généraux qui se lisent comme suit : « Le Conseil communal (…) donne délégation au Collège communal afin de pouvoir (…) procéder aux engagements et aux licenciements d’agents contractuels ». En lieu et place de cette délégation générale, la Cour a considéré qu’il y avait lieu de confier une délégation spéciale et expresse au Collège pour licencier la travailleuse pour motif grave.
La Cour en conclut que la décision de rupture pour motif grave, prise par un organe incompétent, ne produit aucun effet. L’agent contractuel licencié dans ces circonstances est donc en droit de réclamer une indemnité compensatoire de préavis. Au surplus, l’arrêt rappelle utilement qu’un acte administratif unilatéral à portée individuelle ne peut être ratifié a posteriori par l’organe compétent en raison du principe général du droit de la non-rétroactivité des actes administratifs.
2) La (non) application de la Convention collective n° 109 dans le secteur public
L’arrêt remet en question les enseignements de l’arrêt n° 101/2016 du 30 juin 2016 rendu par la Cour constitutionnelle. Il est effectivement rappelé, à travers la jurisprudence de la Cour du travail de Liège ainsi qu’à travers celle de la Cour de cassation, qu’un arrêt de la Cour constitutionnelle qui constate une lacune ne peut être considéré comme un fondement juridique suffisant pour appliquer purement et simplement une convention collective de travail au secteur public. En effet, « si la Cour constitutionnelle a le pouvoir d’annuler la loi, sa position dans l’ordonnancement juridique ne lui donne pas le pouvoir de créer positivement le droit ni d’élargir le champ d’application de la convention collective n°109 » (C.T. Liège, 22 janvier 2018, J.L.M.B., p. 669). Autrement dit, le juge ne peut prendre la place du législateur même si la lacune constatée requiert l’adoption de nouvelles normes.
Cet arrêt s’inscrit donc dans la lignée du courant jurisprudentiel et doctrinal qui a d’ores et déjà considéré qu’une application analogique du régime prévu par la C.C.T. n°109 dans le secteur public n’était pas envisageable. Dans cette conception, il ne reste plus que deux solutions pour l’agent contractuel licencié : soit agir sur la base du droit commun et de l’article 1382 du Code civil, soit s’armer de patience en attendant l’initiative législative tant souhaitée instituant un régime analogue à celui prévu par la C.C.T. n° 109.
Qu'en penser ?
La décision de rupture pour motif grave, prise par un organe incompétent, ne produit aucun effet. Elle ne peut par ailleurs pas être ratifiée a posteriori par l’organe compétent en raison du principe général du droit de la non-rétroactivité des actes administratifs. Par ailleurs, une application analogique du régime prévu par la C.C.T. n°109 dans le secteur public n’ést pas envisageable en l'état actuel des choses.
Réf.: C.T. Mons, 18 janv. 2022, RG n° 2020/AM/228